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MDR1 : que signifie donc cet acronyme ?

Chez certaines races, il existe une mutation génétique qui rend les chiens sensibles à certains médicaments, dont de nombreux antiparasitaires, mais aussi des antidiarrhéiques ou antivomitifs, des antibiotiques, des sédatifs, etc...

Afin d’éviter tout risque d’intoxication médicamenteuse, il est donc fortement conseillé aux propriétaires de chiens appartenant à une race à risque de faire dépister leur animal pour voir s’il est porteur du gène MDR1 muté.

 

 

Quelques explications sur le gène MDR1 et sa mutation...

 

MDR signifie en anglais MultiDrug Resistance (résistance multi-molécules), mais ces dernières années, l’acronyme a changé : on parle maintenant de gène ABCB1. Toutefois, c’est quand même sous le terme MDR1 que ce gène est le plus connu auprès du grand public, et nous resterons donc sur cette terminologie.

Le gène MDR1 code pour la synthèse d’une protéine, la glycoprotéine P ou P-gp, qui se trouve dans les cellules de la barrière hémato-méningée (qui sépare le système nerveux de la circulation sanguine). Lorsque le gène MDR1 est  muté, cette protéine est absente, ou non fonctionnelle, et certains médicaments, n’étant plus bloqués, vont passer cette barrière hémato-méningée et s’accumuler dans le système nerveux, pour lequel ils sont toxiques.

 

Pour rappel : les chromosomes étant associés par paire, chaque individu possède donc deux gènes MDR1.

• Si un chien présente deux gènes MDR1 mutés, on dit qu’il est homozygote muté (symbolisé par -/-). Cette homozygotie fait de lui un individu particulièrement sensible à certains médicaments, et il faut donc être extrêmement vigilant.

• Si un seul des deux gènes est muté, il est alors hétérozygote (symbolisé par +/-) ; la prudence s’impose néanmoins, car il peut présenter des symptômes suite à l’administration de certains médicaments, la plupart du temps moins sévères que ceux observés chez les homozygotes mutés.

• Enfin, si aucun des deux gènes n’est muté, le chien est homozygote sain (symbolisé par +/+). Il tolère théoriquement tous les médicaments susceptibles de poser problème aux animaux mutés.

 

 

Les races concernées

 

En France, ce sont essentiellement les Colleys (85% de porteurs du gène, dont environ une moitié d’homozygotes -/-), les Bergers Australiens (54%), les Bergers Shetland (52%), les Bergers Blancs Suisses (26% dont 1% de -/-, pourcentage variable selon les études...), mais aussi les Bobtails et les Border Collies. Certains Bergers Allemands ou Whippets peuvent être aussi concernés.

Ceci est dû notamment à la sélection génétique au sein des races ; afin d’obtenir les caractéristiques désirées (critères de beauté, de comportement ou d’aptitude pour un certain type de travail), les individus « intéressants » ont été croisés et recroisés entre eux pour obtenir un groupe homogène d’animaux répondant aux critères recherchés. Des prédispositions génétiques à telle ou telle maladie se sont répandues de cette façon, et la mutation génétique MDR1 s’est retrouvée de manière prépondérante dans certaines races. Il existe en outre des variations selon les pays d’origine...

Il ne faut pas oublier les chiens croisés issus de ces races ! Il est donc intéressant d’avoir une petite idée des origines de son chien ; à défaut, se méfier des animaux à la robe merle (courante chez les Bergers Australiens), ou ayant un air de Colley...

 

 

Les médicaments à risque

 

La liste est longue, et les médicaments variés. Il existe des listes très complètes sur certains sites (notamment les sites de races à risque, par ex. : http://www.collie-online.com/colley/mdr1/index.php.)

On peut citer néanmoins les molécules les plus dangereuses (site Antagène):

- Molécules à proscrire : ivermectine, lopéramide, émodepside, doramectine, abamectine.

Molécules à éviter : milbémycine, moxidectine, spiramycine,

Molécules avec précautions : métoclopramide, métronidazole, spinosad, acépromazine, butorphanol, vincristine, vinblastine, doxorubicine,  dompéridone.

 

Si le vétérinaire ne connaît pas le statut de l’animal (homozygote muté ou hétérozygote muté), il évitera généralement l’emploi des molécules à risque. En revanche, le souci peut venir du propriétaire qui ira par exemple acheter son antiparasitaire en pharmacie, en animalerie ou sur internet sans savoir qu’il présente un risque potentiel pour son animal...

 

 

Quels sont les signes d’une intoxication, et que faire ?

 

La plupart du temps, les signes cliniques apparaissent dans les 48h suivant la prise du médicament, mais cela peut aller jusqu’à quelques semaines.

Ce sont essentiellement des symptômes nerveux : prostration, perte d’équilibre, incoordination des mouvements, tremblements, convulsions, parfois coma. On peut également observer des signes digestifs : hypersalivation, vomissements..., oculaires (mydriase, cécité), cardiaques (ralentissement du rythme).

Une consultation rapide chez le vétérinaire est indispensable, afin de mettre en place dès que possible un traitement approprié. L’intoxication est potentiellement mortelle...

• Si la prise médicamenteuse est récente, on peut essayer de donner du charbon activé au chien, afin d’absorber ce qui se trouve encore dans le tube digestif. Pour les antiparasitaires administrés par voie externe (pipettes), on peut laver le chien.

• Mais si le médicament a déjà commencé à agir, le traitement sera d’abord un traitement de soutien : perfusion, réchauffement, mobilisation contre les escarres si l’animal est inconscient, anticonvulsifs en cas de crises, etc.  Et le pronostic est parfois très réservé !

 

 

La prévention

 

Comme bien souvent, et encore plus dans cette situation, mieux vaut prévenir que guérir.

Devant un chien appartenant à une race à risque (voir plus haut), il est fortement recommandé de tester. Cela évitera au vétérinaire d’avoir à se poser des questions cornéliennes dans certaines pathologies. Et cela permet surtout au propriétaire, s’il possède un homozygote muté (-/-), ou un hétérozygote muté (-/+) de le rappeler systématiquement à chaque consultation, à chaque achat de médicament (notamment antiparasitaire, mais aussi antivomitif ou tranquillisant contre le mal des transports), afin qu’une molécule potentiellement toxique ne soit pas délivrée par inadvertance à son animal.

Bien entendu – simple bon sens - on évitera de faire se reproduire les chiens porteurs de la mutation.

Concrètement, le test est très facile à réaliser ; il suffit pour le vétérinaire de commander un kit de prélèvement auprès d’un laboratoire réalisant le dépistage. En pratique, il peut s’agir d’un écouvillon buccal ou d’une prise de sang. Le résultat est obtenu en quelques jours, et est très fiable.

Donc ne pas hésiter à en parler et à demander conseil à son vétérinaire !

 

 

Rédigé par : Isabelle Mennecier - Docteur Vétérinaire

12/07/2021